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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 18:18

 

L'homme aux 120 enfants

Les donneurs de sperme engendrent sans le savoir des dizaines de rejetons;

ARTUCLE DATANT DU:

20 avril 2009  Santé
Un seul donneur de sperme peut être à l’origine d’une considérable descendance.
Photo : Agence France-Presse
Un seul donneur de sperme peut être à l’origine d’une considérable descendance.
Ottawa — La version humaine du prolifique taureau Starbuck existe. Il s'agit d'un Américain de Virginie aux cheveux blonds bouclés, aux yeux bleus et à la peau basanée. Jusqu'à ce jour, Internet a permis de retracer 120 de ses enfants. Polygame? Nenni. Comme des milliers d'autres jeunes hommes, il a donné pendant des années son sperme dans une clinique de fertilité. Et celle-ci l'a utilisé, semble-t-il, sans retenue.

Si vous êtes tenté de croire à une histoire exceptionnelle, détrompez-vous. S'il faut en croire Wendy Kramer, les donneurs de sperme engendrent fréquemment 30, 40, voire 50 enfants. Mme Kramer sait de quoi elle parle. Elle est à l'origine du Donor/Sibling Registry, un registre en ligne volontaire permettant aux donneurs de sperme ou d'ovules et aux enfants qui en sont nés de communiquer entre eux et d'échanger des informations médicales.

En 2000, sa clinique de fertilité consent à lui révéler que le sperme utilisé pour l'inséminer il y a dix ans a depuis été utilisé par d'autres femmes avec succès. Son fils Ryan a donc de la parenté. La clinique refuse toutefois de fournir plus de détails, au nom du respect de l'anonymat des donneurs. Las de ce manque de coopération, les Kramer lancent un appel sur le site Yahoo: «Quelqu'un d'autre est-il curieux?»

L'initiative suscite peu de réactions jusqu'à ce que quelques médias américains s'y intéressent. «Les choses se sont tout simplement emballées!» raconte Wendy Kramer en entrevue téléphonique avec Le Devoir. Le nombre d'adhésions au site est passé de 40 à 24 000! On y trouve en grande majorité des enfants nés de ces dons anonymes, ou leurs parents, mais aussi 925 donneurs.

Chaque donneur de sperme se voit attribuer un numéro d'identification unique par la clinique qu'il fréquente, code fourni par la suite aux parents infertiles. C'est par ce code que les membres s'inscrivent sur le site américain des Kramer, en ajoutant la description sommaire du donneur offerte par la clinique. Par recoupement, les enfants peuvent constater combien d'autres descendent du même donneur, les donneurs découvrent l'ampleur de leur progéniture anonyme, etc. Ensuite, libre à eux de choisir le niveau de contact qu'ils désirent avoir: certains échangeront des messages anonymes, d'autres accepteront à terme de se rencontrer. Dans le doute, certains vont même jusqu'à passer des tests d'ADN.

Jusqu'à présent, le site a permis à 6383 personnes d'être reliées entre elles, dont environ 400 font partie d'ensembles comprenant un donneur identifié.

Arbre généalogique tentaculaire

Mme Kramer n'a aucun moyen de savoir quelle proportion de la communauté des utilisateurs de banques de sperme et d'ovules ses 24 000 membres représentent, d'autant plus qu'ils se trouvent non seulement aux États-Unis, mais aussi au Canada, en France, en Australie, en Afrique du Sud, en Israël, en Bolivie... Malgré tout, les chiffres obtenus donnent le vertige.

Ainsi, 120 enfants ont découvert qu'ils avaient en partage ce prolifique père de Virginie, encore inconnu puisqu'il n'est pas inscrit sur le site. Il y a de nombreuses autres fratries de plusieurs dizaines d'individus. Et il y a Ben, un jeune homme de 31 ans qui a dû s'ouvrir un fichier Excel pour consigner les informations sur tous ses enfants. Jusqu'à présent, le site lui a permis d'en retracer 60, qui ont tous six ans et demi ou moins!

«J'en ai retracé à Montréal, à Toronto, à New York, en Californie, à Oklahoma, à Chicago et dans l'État de Washington», dit en entrevue avec Le Devoir cet Américain qui habite la Nouvelle-Angleterre et qui ne veut pas être identifié.

Ben a donné du sperme chez Fairfax (une des plus grosses banques de sperme au monde) de 2000 à 2003, alors qu'il était étudiant universitaire. «J'avais accepté en partie parce que j'avais deux cousines éprouvant de grandes difficultés à concevoir et qui ont fini par adopter. Et aussi, en grande partie, je ne vous le cacherai pas, parce que l'aspect financier était très intéressant.» Il reste discret sur cet aspect. Il n'est pas rare que les cliniques versent 50 $ ou plus pour chaque don.

À aucun moment la clinique n'a mentionné le nombre d'enfants qu'il pourrait ainsi générer... et Ben admet ne pas avoir posé la question non plus. C'est un peu par curiosité qu'il s'est inscrit sur le site de Wendy Kramer, mais aussi parce qu'il savait que beaucoup de parents infertiles cherchaient à obtenir plus d'informations médicales sur leur donneur.

«Au début, quand j'ai découvert que j'avais environ 60 enfants, je me suis senti dépassé par les événements», reconnaît-il. Il n'en a rencontré que deux, un couple de jumeaux de trois ans du Canada. «Leur mère s'adonnait à voyager dans mon coin et j'ai accepté de la rencontrer. On a dit aux enfants que j'étais un ami, c'est tout.»

Pas plus de dix...

Pour Wendy Kramer, son site démontre l'irresponsabilité totale de l'industrie de la fertilité. «Les banques de sperme n'ont aucune idée du nombre d'enfants qu'un même donneur peut engendrer. C'est très dérangeant pour un parent d'arriver sur notre site et de découvrir que leur enfant a 20, 50 ou 70 demi-frères et demi-soeurs.»

Elle raconte avoir abordé ce sujet avec un directeur de banque de sperme qui n'a pas compris son inquiétude. «Il m'a dit: "En admettant que ces enfants ne vivent pas dans la même région, c'est quoi le problème?" Ça vous montre le fossé énorme qui sépare l'industrie de la fertilité des familles qu'elle crée. Cet homme était tout à fait imperméable aux ramifications psychosociales de se savoir une progéniture de 50 enfants.»

Son fils s'est découvert, jusqu'à présent, six demi-soeurs. Il en a rencontré deux. Il est heureux de cela, concède sa mère, mais ignore ce qu'il pensera s'il en trouve plus. Plusieurs membres se retirent du site lorsqu'ils découvrent l'étendue de leur famille biologique, soutient-elle. Ce fut le cas de la moitié des enfants faisant partie de la fratrie de l'homme de Virginie, pris de panique. «Aucun n'accepte de parler aux médias.»

Selon Mme Kramer, plusieurs donneurs se sentent floués. «On leur dit dans les cliniques qu'ils n'auront pas plus qu'une dizaine d'enfants. Ils mentent!» Sans compter les risques de propagation à grande échelle de maladies génétiques non détectées.

«Tout est une question d'argent. La procréation assistée est une industrie de trois milliards de dollars aux États-Unis. Pensez-vous vraiment que le jeune homme de 19 ans à qui on dirait qu'il aurait 100 enfants continuerait à donner de son sperme? C'est vraiment un beau gâchis.»

Ben n'est pas aussi catégorique et admet ne pas trop savoir quoi penser. «Quand on parle de fratries de 30, 40, 60 ou 100 personnes, la réaction des gens est que c'est complètement fou. Peut-être que ce l'est, peut-être que ce ne l'est pas. Considérant que cela ne concerne qu'un très petit pourcentage de la population, ce n'est peut-être pas si mal. Mais je crois qu'il devrait y avoir une certaine forme de contrôle.» Ben estime que la limite acceptable pourrait varier selon que la banque de sperme exporte ses produits à travers le monde ou au contraire n'alimente qu'un petit marché.

Le Canada aussi

Wendy Kramer dit vouloir informer les gens afin d'améliorer les pratiques des cliniques privées. N'empêche, elle dit faire l'objet de beaucoup d'animosité de la part des cliniques de fertilité et des médecins, certains mettant en doute ses chiffres. «On a soulevé le tapis en dessous duquel ils avaient balayé tous leurs sales petits secrets.»

La situation n'est pas différente au Canada , entre autres parce que depuis quelques années, les cliniques de fertilité utilisent presque exclusivement du sperme américain. D'ailleurs, le site de Mme Kramer compte 660 Canadiens, dont 285 ont été reliés.

Le Canada a adopté en 2004 une Loi sur la procréation assistée qui devait réglementer les pratiques des cliniques de fertilité, notamment pour limiter le nombre d'enfants qu'un même donneur peut engendrer. Mais comme l'a révélé Le Devoir en 2005, la loi n'est pas appliquée parce que les règlements n'ont jamais vu le jour, les fonctionnaires prenant un temps anormalement élevé pour les élaborer. Maintenant que Québec en conteste la constitutionnalité en Cour suprême, le processus est complètement suspendu.
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